Manno Chalemagne est decede avec un cancer du poumon aux USA

Manno Charlemagne, un chanteur engagé pour l’éternité




Emmanuel Charlemagne. Manno pour toute une nation. Manno, 69 ans, l'une des figures emblématiques des années 80, l'un des porte-drapeaux de la lutte pour le changement de la vie en Haïti, est mort le 10 décembre 2017. La nouvelle est tombée le jour même comme un couperet sur les réseaux sociaux. Notre Manno national a été emporté par un cancer du poumon aux Etats-Unis. La grande faucheuse l’a emporté comme Boulo Valcourt, Claude C. Pierre, Josaphat Robert Large, Jean-Claude Fignolé… Que d’existences ont voyagé vers l’au-delà, cette année ! Des étoiles françaises de la culture comme l’écrivain Jean d’Omersson et la mégastar Johnny Halliday nous ont arraché des larmes. Pour reprendre l’autre, ils avaient « une existence fourmillante d’expériences diverses ».

« Manno Charlemagne est un chanteur engagé. A la fin des années 70, il s'est investi dans la lutte, chantant des chansons à caractère révolutionnaire. Les étudiants adoraient les chansons de ce porte-étendard de la lutte du peuple. Dans les manifestations de rue, les réunions de syndicalistes ou des étudiants, on chantait Manno. Ses chansons étaient un sérum pour la jeunesse qui rêvait de lendemains qui chantent pour Haïti », se souvient Claude Bernard Sérant, rédacteur au quotidien Le Nouvelliste. Ce rédacteur se rappelle encore : « Manno Charlemagne était proactif dans la lutte. Certaines de ses chansons avaient le goût du vitriol. L'Armée d'Haïti trouvait son lot d'injures, l'Université ses crachats. Le chanteur qui gardait une posture d'homme de gauche comme beaucoup d’intellectuels de l'époque n'avait pas sa langue dans sa poche. Il fustigeait l'élite, les bourgeois patripoches, les traîtres à la patrie, les corrompus, les hommes politiques cupides, sans vergogne et grand programmateurs du déclin d'Haïti ».
Le secrétaire de rédaction du Nouvelliste, Lemoine Bonneau, confie avoir commencé à écouter Manno à la fin des années 70: « Dans toutes les chansons de Manno, il y a un message qu'il veut transmettre. Ses paroles étaient fortes pour une période qui a traversé la dictature. Il était toujours hostile à la mauvaise gestion des affaires de l'Etat qui enfonce le pays dans le sous-développement.»
Les chansons de ce défenseur des droits humains qui a vu le jour dans la commune de Carrefour en 1948 parlent aussi fortement que la citadelle Laferrière : « Si w vle revandike se ta tout dwa w paske w eksplwate, men laboujwazi gen lame pou l voye fè desant dèlye." Ou encore: " Mwen voye yon plòt krache bay inivèsite. » Son inspiration trouvait toujours des formules originales pour dénoncer la réalité: " Leta pa janm sèvi lepèp ki toutouni, Yo ban nou bib yo pran tè, Dwa de lòm se konsa l rele. »

Depuis les années 70, sous la dictature de Jean-Claude Duvalier, cet homme à la guitare en bandoulière exprime, à travers un lyrisme marqué par le souffle des grandes révolutions marxistes qui ont bouleversé la planète, les douleurs de ce peuple martyr qui cherche la lumière :
« Ban m yon ti limyè mèt
Ban m youn ti limyè
Pou m wè sa k ap pase
Ban m yon ti limyè mèt
Ban m yon ti limyè souple
Pou m ka wè
Poukisa se nèg yo fè soufri
Poukisa se nèg yo fè sòt
Poukisa nèg pa ka manje
Poukisa yo mande lanmò ò
Jan yo di la vi dous
Men se pa tout moun ki jwi privilèj sa ».

Les mots de Manno charrient toute une époque, toute une génération. Sérant se souvient des quarante-cinq tours et des trente-trois tours, microsillons sur lesquels étaient gravés ses succès. « Depuis les années 70 où il chantait avec son kavalye pòlka, Marco, Manno imposait sa présence vocale. Moi, je l’ai rencontré après la chute de JC Duvalier en 1986. J’ai même eu la chance d’animer des spectacles avec lui à l’église Saint-Louis Roi de France et au Rex Théâtre en compagnie de sa troupe Konbit Kalfou et le diseur Harry Petit-Homme alias Nèg Lakay. C’est Yrvens Lespérance et les frères Sénatus, Josué et Jonas, qui m’ont fait découvrir Manno qu’ils adoraient par-dessus tout. »
Puisqu’il avait l’âme d’un révolutionnaire, il était sans cesse sur le qui-vive. Comme d’autres jeunes de sa génération, il a dû prendre le chemin de l’exil. Comme Pierre Clitandre, Marcus Garcia, Dany Laferrière… une vraie saignée pour le pays.
L’académicien Dany Laferrière, dans son recueil de chroniques " Les années 80 dans ma vieille Ford ", écrit : « Manno Charlemagne est le seul artiste haïtien capable de jouer devant un million de personnes. »
C’était un artiste populaire. Sa popularité l’a propulsé dans la politique. Il est devenu maire de Port-au-Prince. Ainsi a-t-il tracé la voie à tous les chanteurs, musiciens, dramaturges et autres qui veulent se tailler une place au soleil de la politique en Haïti.

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